mardi 31 mars 2020

Confinement : jour 15


Nous en sommes désormais à deux semaines de confinement
Il est encore trop tôt pour savoir combien de temps il se prolongera. 
La consigne est inchangée, pour aider, à notre niveau, le personnel soignant débordé :

restons chez nous ! 
restez chez vous !

Travaillez, étudiezlisez, jouez, dessinez, méditez, boudez, aimez, cuisinez, caressez le chat, le chien, lavez-vous les mains après, visionnez des séries à vous en décrocher les yeux, dansez, tricotez, faites des abdos, du ménage, des mots croisés ou fléchés, inventez des histoires, écrivez-les, racontez-les à vos enfants. Mais

RESTEZ CHEZ VOUS !

"Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage" 


La Fable du jour : 
Le lion et le Rat
    Jean de la Fontaine

Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,                                     
Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ?

Cependant il advint qu’au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,                                                        Dont ses rugissements ne le purent défaire.

Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents                                    Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.

De lecteur à lecteurs


Message de Pierre :
Voici une autre explication d'un mot que l'on emploie actuellement à l'échelon mondial : la pandémie.


La pandémie est un mot formé sur épidémie : le préfixe "pan" signifiant "tout"comme panthéon ("lieu de tous les dieux") ou panacée(tout et "akos", remède, donc "remède universel"). 
A noter que panacée universelle est une tautologie : répétition du même mot, ou du même sens. 

 Donc pandémie est composée de « pan » et de la contraction du mot épidémie pour éviter un mot imprononçable : panépidémie .
          


Quel est le sens d’épidémie ?

C’est un mot d’origine grecque. Le sens est "séjour dans un pays ou arrivée dans un pays". 

Pour des choses, par exemple : arrivée de la pluie. 

Mais c’est Hippocrate médecin grec, entre le Vème et le IVème siècle avant J.C. qui, avec un glissement de sens, s’est servi de ce mot pour désigner une maladie contagieuse qui se répandait dans un pays ou qui arrivait dans un pays

Je rappelle, au passage, que les médecins doivent prononcer le serment d’Hippocrate pour exercer leur profession.

P.S. Pour ceux qui aiment les ouvrages de Franck Thilliez, celui-ci a écrit Pandémia, paru en 2015.
Résumé :  Comme tous les matins, Amandine a quitté sa prison de verre stérile pour les locaux de l’Institut Pasteur. En tant que scientifique à la Cellule d’intervention d’urgence de l’Institut, elle est sommée, en duo avec son collègue Johan, de se rendre à la réserve ornithologique de Marquenterre pour faire des prélèvements sur trois cadavres de cygnes. 
Un sac avec des ossements est trouvé dans l’étang.

                                                                               
® Tous droits réservés

lundi 30 mars 2020

Confinement : jour 14

De lecteur à lecteurs

Message de Pierre :
Confiner et confinement sont des mots qui sont formés à partir d’un nom pluriel :
CONFINS du latin confine, la racine étant «finis».

Confins signifie limite, avec le préfixe - cum  « avec » indiquant avec un autre, d’où l’idée, en latin, de voisin, de voisinage, de proximité.

Les confins sont les parties d’un territoire placées à l’extrémité de ce territoire et à la frontière d’un autre. On retrouve donc la notion de limite, de borne, de frontière. On dira "jusqu’aux confins" du département. 

Mais dans l’exemple "aux confins de la terre", confins a le sens de bout, d’extrémité.


Pour en venir à confiner :
1er sens :
- toucher aux confins, c’est-à-dire aux limites d’un pays.
- au sens figuré : "cela confine à l’inconscience". 
Synonyme : côtoyer, friser ("cela frise l’inconscience").

2ème sens : reléguer dans un lieu déterminé, donc enfermer : confiner un malade dans sa chambre, confiner des détenus dans leur cellule.

Donc, se confiner c'est s’isolerse retirer, se cloîtrer
et au sens figuré, c’est se cantonner : se confiner dans ses pensées, dans son rôle, On parlera aussi d’air confiné donc non renouvelé, renfermé.

Le sens du mot confinement tel que nous l'employons actuellement appartient au sens 2.

       Les Cordonniers de Mont-Saint-Père  - Léon Lhermitte


On utilise aussi ces mots confinement et confiner en physique, dans l’énergie thermonucléaire On parle alors du confinement magnétique du plasma

De quoi s’agit-il ?





D’abord le plasma Qu’est-ce que c’est ? 

Pour simplifier, c’est un état dilué de la matière, analogue à un gaz. 

Le plus simple des plasmas est l’hydrogène, formé d’électrons et de protons. 


En confinant, donc en enfermant le plasma dans un champ magnétique, on peut empêcher les particules d’aller frapper les parois de l’enceinte du réacteur et ainsi augmenter considérablement le temps de la vie de l’énergie investie.

  
® Tous droits réservés

dimanche 29 mars 2020

Confinement : jour 13



De lecteur à lecteurs : 


Message de Pierre :
Notre civilisation occidentale a porté au pinacle le corps humain : il faut être beau, il faut mettre en valeur notre corps etc. les publicités ne manquent pas d'imagination. Voici l'homme nouveau presque indestructible, presque immortel. La situation dans laquelle se trouve l'humanité aujourd'hui  nous ramène à une réalité qu'on a oubliée : l'extrême fragilité de l'être humain. Et cette vie humaine si fragile soit-elle on doit la préserver car comme l'écrivait André Malraux :

"une vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie"


® Tous droits réservés

samedi 28 mars 2020

Confinement : jour 12


De lectrice à lecteurs 

Message de Marie-Pierre :
Résidence Bel Air, 20h, plusieurs fidèles sortent sur les balcons :
applaudissements,
musique,
bravo qui fusent,
rythme cadencé des cuillères frappées sur les casseroles,
bougies,
faisceaux lumineux, "car la lumière c'est la vie" dixit mon voisin,
tout est bon pour témoigner notre soutien et remercier le personnel soignant.

L'occasion aussi de prendre des nouvelles des uns et des autres,
de continuer à tisser du lien social...
différemment...

Le "bonsoir, à demain" qui ponctue ce rendez-vous est précieux :

oui nous serons là demain
pour nous imprégner de la force qui se dégage de ce moment 
de partage et de solidarité.

® Tous droits réservés

vendredi 27 mars 2020

Confinement : jour 11

De lecteurs à lecteurs :


Message de Pierre : 
Un peu d'humour ne fait pas de mal ! Voici une réflexion attribuée à Alphonse Allais 
mais dont l'auteur était en réalité un spécialiste des calembours, 
un certain Jean-Louis Auguste Commerson, au XIXème siècle :

"Il faudrait construire les villes à la campagne, l'air y est plus sain"






Message de Marie-Pierre :
Alors j'ai lu Cet instant- écrit par Douglas Kennedy en 2011. Ce n'est pas une nouveauté ni un livre de la média, il a été cueilli dans une boîte à livres l'été dernier dans un petit village haut-savoyard niché au pied du Mont-Blanc.


Voilà le résumé (bon pour être honnête je me suis un peu inspirée de la 4ème de couverture ) : Écrivain New-Yorkais, Thomas Nesbitt reçoit par courrier le journal intime de son premier amour. 30 ans auparavant, en 1984, parti à Berlin pour écrire, il arrondit ses fins de mois en travaillant à Radio Liberty. Il rencontre Petra Dussmann, traductrice. Entre eux naît une passion et Petra lui confie son histoire, son passage à l'Est...

Cette plongée dans la guerre froide, dans l'Allemagne du mur m'a bouleversée. Douglas Kennedy a une belle écriture, précise, méticuleuse. Je suis touchée par sa description des sentiments. Beaucoup de lieux évoqués, du coup on a le sentiment de voyager virtuellement à travers la ville ! Des références aussi à la langue : par exemple le mot allemand "Vorfreude" = anticipation à la joie. Pas mal en cette période de confinement, ayons de la Vorfeude, de l'anticipation à la joie de retrouver nos proches éloignés, nos amis, les balades dans la campagne, nos futurs échanges au club...
Portez-vous bien, à bientôt 

jeudi 26 mars 2020

Confinement : jour 10


De lecteur à lecteurs :


Message de Pierre :
Je peux conseiller à ceux qui ont ces ouvrages: La Peste de Camus et Le Hussard sur le toit de Jean Giono. En constatant l'abnégation des personnels soignants qui essaient de nous secourir en risquant leur vie, il m'est revenu en mémoire un magnifique poème d'Alfred de Vigny : "La mort du loup", que beaucoup d'élèves en leur temps ont appris. Il montre que certains animaux face à la cruauté de l'homme sont capables de la plus grande abnégation pour sauver leur progéniture.

Mort du loup (1896) Charles Hermann-Léon



La Mort du Loup


I
Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions, sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
Nous avons aperçu les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
Nous avons écouté, retenant notre haleine
Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine
Ne poussaient un soupir dans les airs ; seulement
La girouette en deuil criait au firmament,
Car le vent, élevé bien au-dessus des terres,
N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,
Et les chênes d'en bas, contre les rocs penchés,
Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.
Rien ne bruissait donc, lorsque, baissant la tête,
Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête
A regardé le sable, attendant, à genoux,

Qu'une étoile jetât quelque lueur sur nous ;
Puis, tout bas, a juré que ces marques récentes
Annonçaient la démarche et les griffes puissantes
De deux grands Loups-cerviers et de deux Louveteaux.
Nous avons tous alors préparé nos couteaux
Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,
Nous allions, pas à pas, en écartant les branches.



Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,

J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,

Et je vois au-delà quelques formes légères

Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,

Comme font chaque jour, à grand bruit, sous nos yeux,

Quand le maître revient, les lévriers joyeux.

L'allure était semblable et semblable la danse ;

Mais les enfants du Loup se jouaient en silence,

Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,

Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.




Le Père était debout, et plus loin, contre un arbre,

Sa Louve reposait comme celle de marbre

Qu'adoraient les Romains, et dont les flancs velus

Couvraient les Demi-Dieux Rémus et Romulus.

- Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées

Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.

Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,

Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ;

Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,

Du chien le plus hardi la gorge pantelante

Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,

Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair

Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,

Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,

Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,

Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.

Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.

Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,

Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ;

Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.

Il nous regarde encore, ensuite il se recouche

Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,

Et, sans daigner savoir comment il a péri,

Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.



II

J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux Louveteaux la belle et sombre veuve
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.

III

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !


A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse,


Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.


- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,


Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au cœur !


Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,


A force de rester studieuse et pensive,


Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté


Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.



Gémir, pleurer, prier est également lâche.


- Fais énergiquement ta longue et lourde tâche


Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,


Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler."

Alfred de VIGNY
Écrit au Château du M***,
1843
® Tous droits réservés

mardi 24 mars 2020

Confinement : jour 8

"Je suis un bâtisseur de ponts"
Manu Dibango


Saxophoniste, mais aussi multi-instrumentiste, jazzman, chanteur à la voix profonde, 
Manu Dibango est décédé aujourd'hui, à l'âge de 86 ans.
Son "Soul Makossa" a fait danser des millions de gens et fera danser encore.

Le Makossa est une musique camerounaise .
La signification de ce mot serait : "entrez dans la danse", "soyez dans le coup". En gros, allez-y !

Soul Makossa, donc !
Courage !
® Tous droits réservés

Confinement : jour 9

"Le ciel est, par-dessus le toit
Si bleu, si calme !" *

*Début du poème de Verlaine : "Le ciel est par-dessus le toit"
☀☀☀☀☀☀☀

Voici une nouvelle rubrique :
De lecteur à lecteurs :

Message de Fred-le-Lecteur :
Quelle bonne idée d'ouvrir ce blog alors que tous dans le confinement nous sommes 
Désormais installés. 
Certains livres me tendent leurs pages... ils étaient rangés depuis quelque temps dans les rayons de ma bibliothèque. Ainsi je n'ai pas encore eu le temps ni l'opportunité de lire Les Essais, de Montaigne or j'ai appris dimanche soir en écoutant France Culture que c'est confiné dans son château que Montaigne avait entrepris l'écriture de ce livre qui traverse les temps. Je vais donc entreprendre la lecture. Et vous amis et amies lecteurs quelles sont vos lectures actuelles?                                                     
La Tour légendaire
Bureau où écrivait Montaigne. 
Sentences et maximes gravées sur les poutres
 ® Tous droits réservés

lundi 23 mars 2020

Confinement : jour 7


XXXV

Les fenêtres

   Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
   Par-delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.
   Si c'eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.
   Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.
   Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? » Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose (1869)

                                                     
® Tous droits réservés

dimanche 22 mars 2020

Confinement : jour 6


Une suggestion de lecture : 

1666, de Geraldine Brooks
"1666 : l'année de la grande peste en Europe. Punition de Dieu infligée aux hommes ou intervention du Malin ? Les passions s'exacerbent, la peur se répand et la trame fragile du tissu social se délite sous l'effet de la contagion.

Un village perdu du centre de l'Angleterre se recroqueville sur lui-même et décide de se mettre en quarantaine sous l'influence d'un pasteur au charme ambigu. Anna Frith, une jeune servante, devient vite une héroïne par son abnégation dans les soins qu'elle prodigue aux malades et la fortitude qu'elle affiche lorsque la superstition renaît et débouche sur une chasse aux sorcières meurtrière.

Dans ce huis clos suffocant où les hommes se révèlent diaboliques, cette jeune femme sans éducation fera triompher la générosité et la raison, au péril de sa vie."
(Présentation de l'éditeur)

® Tous droits réservés

samedi 21 mars 2020

Confinement : jour 5

Unis comme les 5 doigts d'une main ?


Repérée et relayée par un bibliothécaire du Grand-Dole, une lettre touchante :

"Francesca Melandri, écrivaine, est confinée à Rome depuis le 9 mars.
Dans le Libé de ce matin (20 mars), elle a publié une lettre magnifique aux Français, depuis l'Italie, depuis notre futur..."

"Je vous écris d’Italie, je vous écris donc depuis votre futur. Nous sommes maintenant là où vous serez dans quelques jours. Les courbes de l’épidémie nous montrent embrassés en une danse parallèle dans laquelle nous nous trouvons quelques pas devant vous sur la ligne du temps, tout comme Wuhan l’était par rapport à nous il y a quelques semaines. Nous voyons que vous vous comportez comme nous nous sommes comportés. Vous avez les mêmes discussions que celles que nous avions il y a encore peu de temps, entre ceux qui encore disent «toutes ces histoires pour ce qui est juste un peu plus qu’une grippe», et ceux qui ont déjà compris. D’ici, depuis votre futur, nous savons par exemple que lorsqu’ils vous diront de rester confinés chez vous, d’aucuns citeront Foucault, puis Hobbes. Mais très tôt vous aurez bien autre chose à faire. Avant tout, vous mangerez. Et pas seulement parce que cuisiner est l’une des rares choses que vous pourrez faire. Sur les réseaux sociaux, naîtront des groupes qui feront des propositions sur la manière dont on peut passer le temps utilement et de façon instructive ; vous vous inscrirez à tous, et, après quelques jours, vous n’en pourrez plus. Vous sortirez de vos étagères la Peste de Camus, mais découvrirez que vous n’avez pas vraiment envie de le lire.

Vous mangerez de nouveau.

Vous dormirez mal.

Vous vous interrogerez sur le futur de la démocratie.

Vous aurez une vie sociale irrésistible, entre apéritifs sur des tchats, rendez-vous groupés sur Zoom, dîners sur Skype.

Vous manqueront comme jamais vos enfants adultes, et vous recevrez comme un coup de poing dans l’estomac la pensée que, pour la première fois depuis qu’ils ont quitté la maison, vous n’avez aucune idée de quand vous les reverrez.

De vieux différends, de vieilles antipathies vous apparaîtront sans importance. Vous téléphonerez pour savoir comment ils vont à des gens que vous aviez juré de ne plus revoir.
Beaucoup de femmes seront frappées dans leur maison.

Vous vous demanderez comment ça se passe pour ceux qui ne peuvent pas rester à la maison, parce qu’ils n’en ont pas, de maison.

Vous vous sentirez vulnérables quand vous sortirez faire des courses dans des rues vides, surtout si vous êtes une femme. Vous vous demanderez si c’est comme ça que s’effondrent les sociétés, si vraiment ça se passe aussi vite, vous vous interdirez d’avoir de telles pensées.

Vous rentrerez chez vous, et vous mangerez. Vous prendrez du poids.

Vous chercherez sur Internet des vidéos de fitness.

Vous rirez, vous rirez beaucoup. Il en sortira un humour noir, sarcastique, à se pendre.

Même ceux qui prennent toujours tout au sérieux auront pleine conscience de l’absurdité de la vie.

Vous donnerez rendez-vous dans les queues organisées hors des magasins, pour rencontrer en personne les amis - mais à distance de sécurité.

Tout ce dont vous n’avez pas besoin vous apparaîtra clairement.

Vous sera révélée avec une évidence absolue la vraie nature des êtres humains qui sont autour de vous : vous aurez autant de confirmations que de surprises.

De grands intellectuels qui jusqu’à hier avaient pontifié sur tout n’auront plus de mots et disparaîtront des médias, certains se réfugieront dans quelques abstractions intelligentes, mais auxquelles fera défaut le moindre souffle d’empathie, si bien que vous arrêterez de les écouter. Des personnes que vous aviez sous-estimées se révéleront au contraire pragmatiques, rassurantes, solides, généreuses, clairvoyantes.

Ceux qui invitent à considérer tout cela comme une occasion de renaissance planétaire vous aideront à élargir la perspective, mais vous embêteront terriblement, aussi : la planète respire à cause de la diminution des émissions de CO2, mais vous, à la fin du mois, comment vous allez payer vos factures de gaz et d’électricité ? Vous ne comprendrez pas si assister à la naissance du monde de demain est une chose grandiose, ou misérable.

Vous ferez de la musique aux balcons. Lorsque vous avez vu les vidéos où nous chantions de l’opéra, vous avez pensé «ah ! les Italiens», mais nous, nous savons que vous aussi vous chanterez la Marseillaise. Et quand vous aussi des fenêtres lancerez à plein tube I Will Survive, nous, nous vous regarderons en acquiesçant, comme depuis Wuhan, où ils chantaient sur les balcons en février, ils nous ont regardés.

Beaucoup s’endormiront en pensant que la première chose qu’ils feront dès qu’ils sortiront, sera de divorcer. Plein d’enfants seront conçus.

Vos enfants suivront les cours en ligne, seront insupportables, vous donneront de la joie. Les aînés vous désobéiront, comme des adolescents ; vous devrez vous disputer pour éviter qu’ils n’aillent dehors, attrapent le virus et meurent. Vous essaierez de ne pas penser à ceux qui, dans les hôpitaux, meurent dans la solitude. Vous aurez envie de lancer des pétales de rose au personnel médical.

On vous dira à quel point la société est unie dans un effort commun, et que vous êtes tous sur le même bateau. Ce sera vrai. Cette expérience changera à jamais votre perception d’individus. L’appartenance de classe fera quand même une très grande différence. Etre enfermé dans une maison avec terrasse et jardin ou dans un immeuble populaire surpeuplé : non, ce n’est pas la même chose. Et ce ne sera pas la même que de pouvoir travailler à la maison ou voir son travail se perdre. Ce bateau sur lequel vous serez ensemble pour vaincre l’épidémie ne semblera guère être la même chose pour tous, parce que ça ne l’est pas et ne l’a jamais été.

A un certain moment, vous vous rendrez compte que c’est vraiment dur.

Vous aurez peur. Vous en parlerez à ceux qui vous sont chers, ou alors vous garderez l’angoisse en vous, afin qu’ils ne la portent pas. Vous mangerez de nouveau.

Voilà ce que nous vous disons d’Italie sur votre futur. Mais c’est une prophétie de petit, de très petit cabotage : quelques jours à peine. Si nous tournons le regard vers le futur lointain, celui qui vous est inconnu et nous est inconnu, alors nous ne pouvons vous dire qu’une seule chose : lorsque tout sera fini, le monde ne sera plus ce qu’il était."  

® Tous droits réservés

vendredi 20 mars 2020

Confinement : Jour 4 - Le printemps revient, le blog des lecteurs aussi

Déjà / seulement le 4ème jour de confinement

Pour accompagner ces temps difficiles, le blog des lecteurs proposera chaque jour une idée de lecture, une citation, un poème, un texte, une image, des liens de toutes sortes pour entretenir le lien.
La citation du jour :
"Choisir de subir, ce n'est pas subir."
Marie Stuart

® Tous droits réservés

Je lis Tu lis : le virus de la lecture est intact


Ce samedi matin, une dizaine de personnes étaient présentes. Plus de bises ni de poignées de main - risque de contamination oblige. Mais toujours le même plaisir de partager nos découvertes et coups de cœur.
                                                                     📕

Frédérique nous informe que Nicole P, absente, a lu et adoré
Un petit carnet rouge, de Sofia Lundberg.
Une vieille dame confie à sa petite-fille un carnet dans lequel elle raconte son histoire.
"C'est drôle, émouvant, on est surpris. Une petite perle !"


A lu aussi Ce que tu as fait de moi, de Karine Giébel. Elle s'attendait à un polar  "classique" et a été (agréablement) déroutée par cette histoire bâtie autour de deux personnages : un commandant et sa jeune recrue. Ils sont soumis à un interrogatoire... Pourquoi ? On n'en découvrira la raison qu'à la fin du roman. 



Claudine : "Je l'ai lu et j'ai adoré ! C'est l'histoire d'une passion. Ça va crescendo - c'est passionnant et addictif ! L'analyse des personnages est excellente. Il y a plusieurs niveaux de lecture, c'est vraiment très très bien ! Je lui mets 5 étoiles !!!
Karine Giebel, c'est une autre manière d'écrire le polar."

Une lectrice recommande Meurtres pour rédemption, qui traite de l'univers carcéral. Est très bien écrit, et pas du tout sanglant (petit clin d’œil aux lecteurs "hémoglophobes" du groupe).

📕

Nathalie a adoré Par les routes, de Sylvain Prudhomme : 
"C'est une façon de voir la vie et de rencontrer les gens, sans but, sans attentes particulières. Simplement être hors-cadre et lâcher prise. La fin est bien, même si elle est cousue de fils blanc. Je peux comprendre qu'on ait du mal à rentrer dans cette histoire : le rythme est lent, il y a peu de personnages, pas d'action - mais il y a un peu de suspense."

Nathalie n'est pas rentrée dans L'été meurt jeune, qu'elle a renoncé à finir. Ce roman lui a rappelé Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu. Christine : "Ce sont des histoires tristes."


                                    
  📕
Retour sur le cas Tesson
(auteur dont la personnalité et le style divisent - comme nous l'avons déjà évoqué.)

Fred-le-lecteur a lu La Panthère des neiges : "C'est bien mais il se regarde écrire."
Anne : "Il y a une atmosphère. On y est bien."
Claudine : "Je suis allée au Tibet et j'ai retrouvé les paysages."
Anne : "On verra dans quelques mois si on s'en souvient."                
📕

Christine a beaucoup aimé : 
Six ans à t'attendre, de Delphine Giraud : "Je me suis identifiée à la jeune femme ! Je suis tout de suite rentrée dans cette histoire, où toute une famille enquête. Comme il avait déjà été question de ce livre et de son démarrage un peu lent, je n'ai pas été gênée par cet aspect. C'est très bien écrit."

Une joie féroce, de Sorj Chalandon : "J'ai été touchée par le sujet. Ça m'a parlé. Ce livre permet de comprendre ce que peuvent ressentir les personnes atteintes d'un cancer, de comprendre leurs réactions."

Millésime 54, d'Antoine Laurain : "Un roman tendre, drôle, qui invite le lecteur à voyager dans ses rêves."
L'histoire : "Quatre personnages se retrouvent dans un immeuble. Trois d'entre eux délivrent le quatrième qui est enfermé dans une cave. En remerciement, il  leur offre une bouteille. Un millésime 54. En le buvant, ils vont replonger dans cette année-là. 
Un roman délicieux, qui fait du bien."
📕

Si le dernier roman de Karine Giébel a suscité l'enthousiasme de Claudine, elle a été nettement moins passionnée par ces deux autres livres :

Miss Islande, d'Audur Ava Olafsdottir : "Bon, bon...d'accord... C'était une autre époque, l'héroïne se défend, ok... mais bon... voilà."

Civilization, de Laurent Binet, commenté dans un grand soupir : "Je m'ennuie à mourir.
Je viens de le commencer, je n'en suis qu'au début. Comment dire ? ... C'est  l'Histoire à l'envers, qui répond à la question : que se serait-il passé si les vainqueurs avaient été les vaincus ? C'est loufoque mais vraiment j'ai du mal à avancer."



Les coups de cœur de Mathéis :


Chroniques martiennes, de Ray Bradbury : "Super intéressant. Beaucoup de références à ses romans."
Frankenstein, de Mary Shelley : "Livre écrit en trois jours, en 1816. L'histoire est très belle. Et ce n'est pas du tout celle qu'on croit connaître : le savant n'est pas fou, la créature n'est pas si monstrueuse. Il s'agit d'un roman épistolaire."
Dracula, de Bram Stoker : "Beaucoup mieux que le film [de Francis Ford Coppola]. Il y a plus d'intrigues. Très prenant : on a pas envie de le finir."

📕
Les pépites de Marie-Pierre :                                                                                                 

Né d'aucune femme, de Franck Bouysse : "Excellent. On comprend beaucoup de choses à la fin. Du coup, j'ai relu le début parce que ça permet de recoller les morceaux. Est-ce qu'il y en a parmi vous qui ont aussi ressenti ce besoin ?
(La réponse est oui.)
Elle poursuit : "Ça peut paraître un peu noir mais c'est aussi l'histoire d'une femme qui se bat, qui veut s'en sortir."                          


Sang chaud, nerfs d'acier, d'Arto Paasilinna :                                                                                                                                                                                "Merci de m'avoir fait découvrir cet auteur. Il emploie une écriture vive, joyeuse, pour traiter des thèmes durs. C'est excellent ! Très contente de cette découverte."
                                                                                                                          
Cinq matins de trop, de Kenneth Cook :  

"Ça se passe en Australie, on découvre la vie des paysans du fin fond du pays. C'est sombre. 
Mais à lire. 

Je me souviendrai toute ma vie de la chasse aux kangourous !"                                                                                                             
                                           📕
                                                                               
Fred-le-lecteur : "Dans la même veine, il y a l'excellentissime Piège nuptial, de Douglas Kennedy. 
Je le recommande à toutes les personnes qui n'aiment pas en leur disant :
- Tu n'aimes pas lire ? Eh bien lis celui-là !"
📕

Les coups de cœur de Frédérique : 



Petit frère, d'Alexandre Seurat :" Très belle écriture. Ce roman aurait pu être classé en vécu parce qu'il s'agit de la propre histoire de l'auteur. Il parle de son petit frère un peu bohème, décédé. Seurat culpabilise trop, il se reproche d'avoir soutenu son père. 
Une histoire familiale avec beaucoup de non-dits."                             


Un autre jour, de Valentin Musso :"C'est un polar. C'est l'histoire d'un type qui a toujours tout fait par lui-même. Sa riche épouse, en séjour chez ses parents, est retrouvée morte sur une plage. Le mari est troublé parce qu'il en a rêvé la nuit où le drame a eu lieu. La nuit suivante, rêve encore de sa femme, de la plage, et aperçoit même le meurtrier. Il décide de partir chez ses beaux-parents  en se disant qu'il est peut-être encore temps de sauver sa femme... Je n'en dis pas plus sauf qu'à la fin, on se dit qu'avec les progrès de la recherche médicale, ça pourrait arriver."
📕
Danielle a apprécié :
La Part des flammes, de Gaëlle Nohant
Ce roman historique parle de l'incendie du Bazar de la Charité, en 1897.
"On voit comment les femmes ne pouvaient rien faire sans leur mari. 
Est-ce que c'est "bien écrit" ?
Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j'ai trouvé ça facile à lire, agréable."


Les choix de Kiki :

Dr Dolittle, de Hugh Lofting : "J'ai beaucoup apprécié le côté aventure et voyage de la dernière chance. C'est très abordable, très bien écrit. Peut être lu à partir de 9 ans."

Tsipora et le vengeur de sang, de Rachel Hausfater : "Une jeune fille des temps bibliques rencontre un jeune homme qui pense avoir tué quelqu'un. La jeune fille mène l'enquête afin de prouver l'innocence du jeune homme. C'est un roman court, d'aventure, d'enquête.

L'île des neufs, de Laurel Snyder : "Il m'a fait frissonner d'émotions aussi bien positives que négatives.
C'est une île où il ne peut y avoir que 9 orphelins à la fois. Si un arrive, un doit partir. Un jour, ils se retrouvent à 10. Problème...
Ce livre est une belle leçon. Ça fait quelque chose ! Un livre qui peut faire réfléchir les enfants d'aujourd'hui qui ont tout."


📕

Marie présente un petit bijou :
Songe à la douceur, de Clémentine Beauvais                                                   
Ce livre, pioché dans le fond ado, est inspiré du roman en vers de Pouchkine : Eugène Onéguine
Clémentine Beauvais l'a adapté à l'époque contemporaine tout en conservant la forme.
"Surtout, ne vous laissez pas  arrêter par la forme - qui peut déstabiliser. Acceptez de donner sa chance à ce livre, au moins sur 20 pages, parce que vraiment, c'est une réussite. On peut aussi se laisser porter par le rythme - comme pour une chanson, ça coule tout seul. 

Une jeune femme croise dans une rame de métro, un homme qu'elle a beaucoup aimé quand elle était ado... Il est question d'amour, de rendez-vous manqués, de souvenirs mitigés, de hontes, de regrets. C'est un roman original, malicieux, intelligent, drôle, poignant."
                                                                             
                                                                                 📕      
     
Fred-le-lecteur demande à Marie si elle a des suggestions de livres piochés dans le fonds Bien-être.
Les voici :
Remèdes à la mélancolie, d'Eva Bester

J'ai choisi la dépression : la méthode infaillible pour ne plus jamais se relever de son canapé, de Dana Eagle


 

 ® Tous droits réservés