Marre des punchlines assassines, de la parole qui fuse avant d’avoir été un peu pensée ?
Envie d’un peu de calme, d’un espace privilégié où émettre une réserve, énoncer un soupçon de doute, d’incertitude ne serait pas interprété comme une façon de botter en touche, de se réfugier dans le ventre mou d’un point de vue qui ne s’assumerait pas ?
Oui ?
Non ?
Peut-être ?
Voici un « bref manuel de survie par temps de vitrification idéologique ». Il fait l’éloge d’une « éthique intransigeante de la mesure », d’« un souci de la limite : limite posée à la fatuité des esprits qui croient tout savoir, comme à la violence des militants qui se croient tout permis » :
Le courage de la nuance, de Jean Birnbaum
publié au Seuil, en mars 2021
Présentation de l’éditeur
"Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison",
disait Albert Camus, et nous sommes nombreux à ressentir la même
chose aujourd'hui, tant l'air devient proprement irrespirable. Les
réseaux sociaux sont un théâtre d'ombres où le débat est souvent
remplacé par l'invective : chacun, craignant d'y rencontrer un
contradicteur, préfère traquer cent ennemis. Au-delà même de
Twitter ou de Facebook, le champ intellectuel et politique se confond
avec un champ de bataille où tous les coups sont permis. Partout de
féroces prêcheurs préfèrent attiser les haines plutôt
qu'éclairer les esprits.
Avec
ce livre, Jean Birnbaum veut apporter du réconfort à toutes les
femmes, tous les hommes qui refusent la "brutalisation" de
notre débat public et qui veulent préserver l'espace d'une
discussion aussi franche qu'argumentée. Pour cela, il relit les
textes de quelques intellectuels et écrivains qui ne se sont jamais
contentés d'opposer l'idéologie à l'idéologie, les slogans aux
slogans. Renouer avec, ce n'est pas seulement trouver refuge auprès
de figures aimées, qui permettent de tenir bon, de se tenir bien.
C'est surtout retrouver l'espoir et la capacité de proclamer ceci :
dans le brouhaha des évidences, il n'y a pas plus radical que la
nuance.
L’auteur, essayiste et journaliste, dirige Le Monde des livres.
L’avis de Marie
« Un essai plutôt court, qui s’articule autour 7 figures majeures du siècle précédent :
Raymond Aron : "Vous avez dit « faire le jeu de » ?" |
Albert Camus: "Des mots libres pour des hommes libres" |
Germaine Tillion : "La littérature, « maîtresse des nuances » " |
Georges Bernanos : "Il faut parler franc" |
Hannah Arendt : "La blague est quelque chose d'essentiel" |
George Orwell : "L'inconnu, c'est encore et toujours notre âme" |
Roland Barthes |
Une chaude recommandation entendue sur les ondes. J’ai été intriguée par l’apparent paradoxe du titre et enthousiasmée par les premières pages. Le sujet est passionnant ! Instructif, argumenté, bien construit (ça, je le déduis d’un coup d’œil à la table des matières : un chapitre par auteur, avec un interlude entre chaque). »
Extraits :
« Il n’y a pas d’un côté la vie, ses indignations, ses combats, et de l’autre les livres, la pensée, la transmission. Tout cela ne fait qu’un. Si l’on admet que la nuance n’est en rien une faiblesse, et qu’elle relève au contraire de la bravoure, on comprendra aussi que le livre lui donne abri. Il existe certes maints livres péremptoires, et des bibliothèques entières d’ouvrages fanatiques. Mais la puissance de la nuance s’épanouit au mieux dans ce type de livre inclassable, à la charnière de la littérature et de la pensée, qu’on appelle l’essai. Autrement dit un texte qui, au sens propre, essaie, tâtonne, tente quelque chose, et dont la force n’est pas de trancher mais d’arpenter ces territoires contrastés où la reconnaissance de nos incertitudes nourrit la recherche du vrai. »
2.0 Générique (CC-BY-NC-SA 2.0) |
« Qui reconnaît ses erreurs n’est pas un tiède, mais un homme d’honneur. Qui affronte ses contradictions intimes ne mérite pas le nom de lâche. Il y a un courage des limites, une radicalité de la mesure. »
« Quand la sottise infecte les discours, quand les certitudes étouffent toute parole libre, tenir sa langue est la meilleure des parades. »
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