Le 17 décembre dernier, Roger nous narrait les déboires matrimoniaux de sa très chère Marguerite d'Autriche, qui eut à affronter moult déconvenues au cours de sa vie. Nous vous avions promis de revenir plus en détail sur un épisode fort affriolant : ses noces avec le délicieux Philibert II de Savoie, dit Philibert le Beau.
Nous
y voici :
Les Noces
3 décembre 1501
Résumé de l'épisode précédent :
Pour des raisons (géo)politiques, Maximilien d'Autriche - le père de Marguerite – souhaite marier sa fille à Philibert de Savoie.
Échaudée par deux premières expériences malheureuses (elle fut la fiancée dédaignée de Charles VIII puis la veuve de l'infant Jean d'Aragon), Marguerite se montre d'abord hostile.
Mais, rapidement charmée par le jeune prince de Savoie, elle se laisse finalement convaincre...
Les préparatifs
À cette époque, en vertu du code diplomatique, un prince étranger ne peut pas pénétrer dans le royaume de sa future épouse. Philibert II doit donc se faire représenter. Il délègue sur place son demi-frère, René, le Grand Bâtard de Savoie.
Le lieu
Le mariage par procuration sera célébré à Dole, capitale du Comté de Bourgogne. À cela 2 raisons :
Premièrement, et justement parce que Dole est la capitale du Comté de Bourgogne. C'est donc une ville prestigieuse (dotée d'un Parlement et d'une université), à la hauteur de l'événement princier.
Secondement, pour des raisons sentimentales. En effet, en 1477-1478, Dole a pris fait et cause pour Marie de Bourgogne, mère de Marguerite, contre le puissant Roi de France. Pour mémoire, en 1479, Dole, assiégée par les troupes de Louis XI, est pratiquement détruite. Il ne reste que quelques caves et habitations – dont l'Hôtel de Vury.
Hôtel de Vury versus Hôtel Mairot
L'Hôtel dans lequel s'est tenu la noce est encore aujourd'hui appelé à tort Hôtel de Vury. Il est situé rue de Besançon. Il conviendrait plutôt de l'appeler Hôtel Mairot.
Le véritable Hôtel de Vury est situé dans la Grande rue.
Le jour du mariage
Les invités se retrouvent au rez-de-chaussée de l'Hôtel dit de Vury, dans une salle dont on peut encore aujourd'hui admirer la superbe voûte sur croisée d'ogives. (Pour les curieux, c'est maintenant un commerce de bouche mais on peut tout de même contempler cette splendide architecture, entre deux achats de paquets de biscottes ou de bottes de poireaux).
Souvenons-nous qu'il s'agit d'un mariage par procuration : il est donc non religieux. Il s'agit d'un échange officiel de consentement suivi d'un banquet. La haute noblesse comtoise est présente pour assister et témoigner de cette union.
Carré blanc sur fond rose : la nuit de noce
sis rue Mont Roland,
où siège le Conseil de ville
– l'ancêtre du conseil municipal.
Une chambre nuptiale a été apprêtée dans les locaux...
Marguerite entre dans la chambre, vêtue comme il se doit de son costume de cour : une décourageante superposition de jupons, sous une robe au tissu aussi lourd que précieux.
Elle s'allonge sur le lit...
Le Grand Bâtard de Savoie entre à son tour dans la chambre nuptiale. Fait étrange : il ne porte pas son costume de cour, comme le veulent les usages, mais une magnifique armure pesant quelques dizaines de kilos.
René s'allonge aux côtés de son "épouse". Elle relève ses mille jupons ainsi qu'un pan de sa lourde robe et dévoile une infime partie de sa jambe. Elle la colle contre celle de son "époux"...
René se relève, il quitte la chambre.
Il revient au matin, revêtu de son habit de cour. Il dépose un baiser sur le front de Marguerite, lui demande si elle a bien dormi. Marguerite lui répond que oui. Le mariage est dit "consommé".
En échange de cette réponse qui scelle l'union, elle reçoit une magnifique bague dont les diamants et rubis représentent une marguerite.
Vous l'aurez compris, cette nuit de noce est un simulacre, un rite codifié qui entérine ce mariage tout en préservant bonnes mœurs.
"Pour de vrai"
Le mariage religieux entre les deux époux véritables aura lieu quelques semaines plus tard, à Romainmôtiers, dans le Canton de Vaud, au sein de l'ancienne abbatiale clunisienne Saint-Pierre-et-Saint-Paul.
The end
Philibert, pendant ce temps, s'adonne à sa grande passion : la chasse. Il initie Marguerite à ce loisir. Au cours d'une partie de chasse à Pont d'Ain, Philibert II de Savoie perd la vie en 1504. Il a 24 ans.
Marguerite, profondément affligée, enceinte d'une petite fille qui ne survivra pas, fait bâtir l'Église de Brou en mémoire de cet époux si tôt et si brutalement disparu. La sépulture du défunt y est érigée. C'est un chef-d'œuvre d'art gothique flamboyant. Marguerite y sera inhumée à son tour en 1530.
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