mercredi 31 mars 2021

L'étoile de Fanny : un idéal géométrique

On peut avoir la tête dedans, on peut la suivre ou être né sous. En été, on fait parfois des vœux sous les filantes. Inaccessible et poétique, l'étoile a ses innombrables admirateurs. Si Johan s'y intéresse d'un point de vue scientifique (voir article du 22 janvier dernier), Fanny, elle, est passionnée par la rigueur géométrique de cette forme.


Voici donc un petit tour du côté de chez Fanny, avec une suggestion de lecture de Marie : un roman à priori pour ado, mais comme tous les bons textes, il est intergénérationnel.

Ne passez pas à côté ! En ces temps incertains, il est fort probable que nous ayons plus que jamais besoin de nous sentir "connectés".

# jaune

# magie

# ciel

# lune

# pointues (les extrémités)


L'étoile à 5 branches : c'est la chouchoute  de Fanny, même si elle ne correspond pas à la réalité, car c'est celle qui représente le mieux la poésie des astres.


Toutes sortes d'étoiles, petit inventaire

Celles du ciel, filantes, pour la magie des vœux

Celles de la mer

Les stars plus ou moins éphémères de Broadway

L'étoile du shérif, insigne de la loi

L'étoile des favoris

Les étoiles du chef cuisinier, indices d'excellence

Les étoiles dans les yeux quand on est heureux ou amoureux


Un motif aux innombrables déclinaisons

 En perles, en origami, en gommettes... sous toutes formes de loisirs créatifs

En ornement décoratif, motif pour bijoux, vêtements 


Les étoiles de Fanny à main levée


Le goût des formes géométriques

Toutes les branches de l'étoile ont la même longueur

Toutes les arrêtes ne font pas la même taille

 Chaque étoile rentre dans un cercle


À voir
La luna, un court-métrage d'Enrico Casarosa, sorti chez Pixar en 2011

L'histoire : trois générations nettoient la lune, qui est jonchée d'étoiles filantes.
Ce film d'animation sans paroles met en scène le monde du rêve, de la féérie. Il est la représentation exacte de l'imaginaire de Fanny à propos des étoiles.


Une lecture

À quoi rêvent les étoiles, de Manon Fargetton

Ils sont cinq. Titouan reste cloîtré dans sa chambre, Alix ne pense qu'au théâtre, Luce est inconsolable depuis la mort de son mari, Gabrielle est incapable de s'engager de peur de perdre sa liberté tandis qu'Armand se consacre exclusivement à sa fille. Cinq personnages en quête de sens dont les destins s'entrelacent.

Avis de Marie : Deuil, solitude, peur du monde extérieur, peur de se tromper de vie ou de se confronter à l'autre, chaque personnage est isolé dans ses propres difficultés. C'est finalement la technologie, réputée froide et excluante, qui va générer un formidable lien entre tous les protagonistes. 

Une jolie histoire de rencontres et de solidarité, qui illustre l'importance des liens pour affronter les épreuves de la vie, qu'on soit ado ou vieil adulte. Tant pis pour les invraisemblances, on passe tout de même un agréable moment.

Extrait

"Le monde est petit

Tout petit.

Il y a presque un siècle, un écrivain hongrois a imaginé dans l’une de ses nouvelles qu’une personne sur la planète peut être reliée à n’importe quelle autre par une chaîne de six relations individuelles. La « théorie des six degrés de séparation », il a appelé ça. Imaginez un instant, imaginez-vous, en train de tenir la main d’un proche ou même d’une vague connaissance qui elle-même tient la main d’un de ses amis que vous n’avez jamais croisé, et ainsi de suite jusqu’à former une chaîne de six personnes. On pourrait relier l’humanité entière, comme ça, à partir de vous. Quels que soient la famille ou le pays dans lesquels on est né, quel que soit le métier que l’on exerce, quels que soient nos rêves, nos peurs, nos fantasmes, que l’on passe notre vie sans bouger de notre village natal ou que l’on parcoure le monde, chacun d’entre nous peut être connecté à n’importe qui en six petites étapes, de personne à personne.

Alors bien sûr, cet écrivain hongrois – Frigyes Karinthy, si vous voulez tout savoir – n’avait pas les moyens techniques de prouver sa jolie théorie en 1929. Et puis je ne suis pas sûr que ça l’intéressait. C’était un poète, comme moi, et les poètes préfèrent souvent le labyrinthe mouvant des rêveries à l’exactitude des données."

(Disponible rayon roman ado de Camus)
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mercredi 24 mars 2021

C'est facile de lire ! Un nouveau petit coin sympa vous tend les bras

 

Si on devait établir la liste des questions les plus posées à l’équipe Camus depuis un an, il y en a une qui arriverait incontestablement tout en haut du palmarès :

« - Est-ce que vous avez quelque chose de sympa à lire, quelque chose de léger ? … Je n’ai pas envie de me prendre la tête en ce moment ! »


Nous avons entendu votre demande :

    Vous êtes fatigué.e ?

    Vous manquez de temps ?

    Le français n'est pas votre langue maternelle ?

         ➔ Lire vous impressionne ? 

La médiathèque Albert-Camus met à votre disposition un nouvel espace :

Lecture Express

Lecture sans Stress




Des petits romans

Des nouvelles

Des contes

Des albums

Des documentaires 

pour créer, 

cuisiner, 

découvrir 

toutes sortes de choses...

Au gré de vos envies





Un espace consacré à la détente

à la bulle

à l'évasion


Des textes courts,

ludiques



 

pour passer un agréable moment

s'offrir un peu de bon temps,

une petite parenthèse 

sympathique


® Tous droits réservés

vendredi 19 mars 2021

Pépite lecture tout public


 Il y a comme ça des livres qui nous restent en mémoire

quand tant d'autres se diluent dans l'oubli au fil des nouvelles lectures


Rage, d'Orianne Charpentier

(publié en 2017 aux éditions Gallimard jeunesse, dans la collection Scripto)

appartient à cette sorte de livre dont l'histoire vous accompagne longtemps après



La solidarité des meurtries

Rage, c'est le nom qu'Artémis a trouvé pour sa jeune amie. Elles ont en commun d'être/d'avoir été des MIE (Mineurs Isolés Étrangers). Elles portent chacune un passé violent, indicible.

Si Artémis a repris pied, grâce à sa "puissance infinie de reconstruction", Rage, elle, souffre d'un syndrome de stress post-traumatique et de "dépression hostile". Elle est renfermée, solitaire, dure et froide comme un caillou, parce qu'elle a connu la "déchirure", "l'autre côté du vrai" :

"Le naufrage de son innocence, la guerre, le déchirement de l'exil, les milliers de vies déchiquetées autour d'elle... Toute cette douleur est impossible à exprimer, c'est comme tenter de transformer le bruit des bombes en langage."


La mémoire à vif

Au début du roman, Rage et Artémis se rendent dans un quartier résidentiel de banlieue où un ami-du-petit-ami d'Artémis donne une soirée. Rage s'y rend à contrecœur, inquiète, apeurée même : la musique, les rires, les danses lascives des filles sous les regards attentifs des garçons, tout est menace, tout la renvoie à ce passé odieux où s'est déchaînée la violence animale des hommes.


Lors d'un barrage routier, Rage a été séparée de sa famille par des hommes armés. Mariée de force le soir-même, séquestrée dix jours durant. Dix jours de sévices à la merci de "bêtes au visage d'homme".


La fuite

Mal à l'aise, Rage s'échappe de la fête et trouve refuge dans le petit jardin à l'arrière de la maison. Dans le calme revenu, l'attention de la jeune fille est captée par "un cri de souffrance pure" :

Un chien – une chienne plus exactement – une bête d'attaque, dressée pour le combat, couverte de vieilles plaies, ensanglantée, fuit son bourreau, en trainant de ses dernières forces sa chaîne rompue...



Si vous souhaitez découvrir la suite de ce roman

Sachez qu'il est disponible à la médiathèque Albert-Camus

Au rayon ado, cote RA



Si vous n'en avez ni le temps ni l'envie

que vous désirez simplement qu'on vous raconte la suite

la voici :



La rencontre


Non, la chienne ne veut pas agresser Rage

Elle déboule pour fuir et non pour attaquer. 

Ce n'est pas une ennemie mais une âme sœur

L'identification est immédiate : soudain, il est vital pour la jeune fille de sauver cette bête des mains de son tortionnaire, il est essentiel de maintenir l'animal en vie.



L'allié

Jean, l'ami-de-l 'ami d'Artémis, va comprendre l'importance de ce qui se joue dans le cœur de Rage, bien qu'il ne la connaisse pas. Et elle va lui faire confiance, devinant sans doute qu'il est un gentil, et non un prédateur.

Jean l'accompagne dans une clinique vétérinaire. Il l'aide à se faire entendre du personnel, sert de médiateur. Il se met à son écoute.

Il est aussi calme, doux, posé qu'elle est éruptive.


La distance de sécurité

Rage, qui souhaitait plus que tout au monde "que personne ne s'approche", se laisse apprivoiser, intriguée par ce gentil garçon porté par le souvenir de sa grand-mère – c'est elle qui lui a légué la petite maison où a lieu la fête.

Rage observe le jeune homme...

"Une pensée étrange lui vient : ce qui sépare le plus deux êtres humains, ce n'est pas l'âge, la langue, la fortune ou la culture.

Ce qui les sépare le plus, c'est la souffrance qu'ils n'ont pas partagée."



La réparation


L'animal est pris en charge, opéré.

Dans le couloir de la clinique, Rage veille.

Jean l'accompagne.

L'hémorragie est contenue.

Le chienne ne mourra pas de ses blessures.


La double-peine

La chienne ne mourra pas de ses blessures... mais elle devra être euthanasiée car elle fait partie de la catégorie de chiens d'attaque interdite sur le territoire.

Une fois encore, Rage s'identifie à l'animal :

"Car elle aussi a connu cela ; elle aussi vient d'un monde où les bourreaux et les victimes sont souvent confondus".


Lorsque la jeune femme médecin demande quel nom donner à la chienne, Rage répond spontanément "Rage" – comme elle – ce que Jean a complété par "de vivre".


Le dilemme

Rage - l 'humaine est dévastée, prise entre son désir fou de sauver celle qui incarne son double de malheur et son respect des règles, essentiel pour conjurer le chaos orchestré par les bourreaux :


"La jeune femme médecin a parlé d'une loi. Elle sait ce que ce mot veut dire, elle répugne à l'idée d'en enfreindre. Pas par crainte d'un châtiment mais parce que, à présent qu'elle se sent guérir sur cette terre nouvelle, elle veut en suivre les sillons. Elle veut y vivre en harmonie, selon les règles. Elle qui vient d'un pays où l'État se conduit en bourreau, où tous les droits sont bafoués, elle a soif d'une justice qui vaudrait pour tous."


Mais face à ce choix de se conformer à une justice protectrice, il y a Rage-la-chienne, toute la charge émotionnelle qu'elle incarne :

"Elle ne peut pas l'abandonner à son sort , après une vie passée à souffrir, sans la douceur d'une voix amie.

Ce serait comme abdiquer devant le mal et le malheur, ce serait comme saluer le triomphe des ténèbres.

Elle sent qu'elle ne s'en remettra pas si elle le fait, parce qu'elle même est une proie des ténèbres et qu'aucune complicité n'est possible avec elles, à moins d'accepter de s'y engloutir."


Les failles providentielles

La nuit avance. Le sort de la chienne semble scellé.

Mais la discrétion de Jean, son calme, ne relèvent pas de la passivité ni de la soumission à un ordre établi : le jeune homme a longuement recherché sur le net des textes de loi relatifs à la détention de chiens d'attaque ainsi que leurs éventuelles failles. Et il trouve.

Rage ne sera pas euthanasiée.

Lorsqu'elle se jette contre les barreaux de sa cage puis sur la jeune fille, ce n'est pas pour la déchiqueter mais pour lui manifester affection et gratitude.


L'adoption

Une adoption est envisageable. Jean accepte d'héberger l'animal – Rage ne peut pas la prendre en charge car elle partage un studio avec Artémis..

Les jeunes gens quittent la clinique, salués par la vétérinaire d'un

"Et maintenant les amoureux, allez, ouste"

qui trouble Rage. Et être troublée la place dans une situation douloureuse :


"La vérité, c'est qu'elle perçoit ce sentiment comme une faiblesse. Et dans son monde à elle, être faible est une promesse de souffrance."



La réparation

De même que Rage, lorsqu'elle s'appelait encore Asabé, a connu une nuit de fin du monde – cette nuit de la Déchirure – la nuit qui vient de s'écouler est celle d'une possible réparation, grâce à Rage-la-chienne et à Jean, qui lui dit : "[...] il faut faire avec ce qu'on perd... Et avec ce qui nous reste."


Le choix

Selon lui, la vie n'est pas une tragédie car la tragédie est du théâtre (une des passions de sa grand-mère décédée), une pièce dans laquelle "les êtres humains sont les jouets des dieux. Rien ne peut changer leur destin, aucun effort, aucune vertu. [...] je crois que les êtres humains ont le choix. Qu'ils sont responsables de leurs actes, qu'ils ne peuvent pas s'en prendre aux dieux..."

Si ce discours heurte la jeune femme, il fait cependant son chemin dans ses réflexions, d'autant qu'il émane d'un ex-enfant pianiste virtuose qui a perdu 3 doigts dans un accident domestique.


Le dénouement

L'histoire s'achève sur Jean et Asabé marchant main dans la main, pudiques mais déjà liés. C'est doux, beau, apaisé. D'autant qu'Asabé "n'a pas l'habitude de conjuguer au futur. C'est un émerveillement et une terreur."



Ce court roman est un petit bijou, sans bien-pensance mais profondément humain, dans lequel les victimes ne sont pas nécessairement faibles et sympathiques.

Parce que l'auteur ne se retranche pas derrière une quelconque idéologie mais explore l'humain dans son inévitable complexité, cette histoire est profondément troublante et attachante.

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