jeudi 17 décembre 2020

Une équipe, des profils et des inclinations

2. Roger et ses drôles de Dames 

Dans l'article du 12 novembre dernier, Roger citait quelques trésors franc-comtois qu'il affectionne particulièrement : coq au vin jaune, village abbaye de Baume-les-Messieurs. Il fut aussi question de trois dames qui surent troubler notre homme :

Anne de Xainctonge, Marguerite d'Autriche et Blanche de Buxy : une sainte, une princesse et un écrivain. La question était restée en suspens : pourquoi ?

Pourquoi elles ?

Qu'ont-elles de plus que les autres n'ont pas ?

Comment est né cet engouement, ce doux penchant, ce tendre émoi à l'évocation de ces trois dames-là ?

Certes Cupidon frappe au hasard. Ce petit fripon décoche ses flèches sans raisons mais tout de même...

De quoi Anne, Marguerite et Blanche sont-elles le nom ?

Le point commun entre ces 3 femmes :

un parcours de vie qui a particulièrement touché le p'tit cœur d'artichaut de notre bibliothécaire en chef. 


La rencontre

En ce temps-là, Roger était guide touristique à Dole. Il promenait les visiteurs à travers les vieilles pierres de notre belle cité. Pour donner vie à ses récits, il présentait l'histoire doloise via la lorgnette intime - parce que ce que l'on aime dans la Grande Histoire, ce sont les émotions que nous procurent les petites histoires de vie, n'est-ce pas ?

Anne, Marguerite et Blanche en avaient à revendre, et ça ne laissa pas insensible notre futur bibliothécaire à la fibre historique et romanesque.


Marguerite ou l'amoureuse malchanceuse

À 8 ans, Marguerite est promise au fils de Louis XI. Elle subit un terrible affront lorsqu'Anne de Bretagne lui est préférée. La jeune enfant est renvoyée à la Cour d'Autriche, chez son père : Maximilien. Il la marie avec l'Infant d'Espagne... lequel meurt quelques mois plus tard. Marguerite retourne chez son père en se promettant de ne plus jamais approcher un autel. Or, on le sait bien : il ne faut jamais dire jamais. 

Cupidon : le retour

Pour des raisons politiques, Marguerite se voit contrainte d'épouser Philibert de Savoie - autrement nommé "Philibert le beau". Ce sera, selon l'usage, un mariage par procuration. Ainsi que la naissance d'un amour éperdu.

(Récit du mariage à venir. Nous sortirons cotillons et paillettes très bientôt pour vous narrer cette page d'histoire.)

Lorsque le destin s'acharne

Philibert meurt d'une chute de cheval. Ce tragique accident dévaste Marguerite. En mémoire de son époux si passionnément aimé, elle fera bâtir l'église de Brou.


Anne ou les tribulations intrépides d'une sainte au service de l'émancipation féminine

Elle est la fille d'un parlementaire dijonnais. Très pieuse depuis son plus jeune âge, elle a à cœur de soulager la misère des nécessiteux. 

L'appel

En 1595, Dieu lui demande de fonder une institution religieuse consacrée à l'éducation des jeunes filles. C'est une chose impensable pour l'époque ! Plus grave encore : Dieu ne lui demande pas de fonder cette institution à Dijon, qui appartient au royaume de France, mais à Dole, c'est-à-dire en territoire étranger appartenant à l'Espagne. C'est un scandale, une trahison ! Anne est désavouée par sa famille et par le clergé dijonnais.

Une foi chevillée au cœur

La jeune femme arrive à Dole dans le plus grand dénuement. Les Dolois lui refusent toute aide, persuadés qu'il s'agit d'une espionne au service du roi Henri IV, lequel cherche à conquérir la Franche-Comté.

Anne vit dans un taudis en soupente. Il y fait une chaleur d'enfer en été et un froid de gueux en hiver. Ça ne la décourage pas. Pas plus que les morsures de rats ou la faim. 

L'instruction à la portée de femmes 

Son opiniâtreté finit par payer : en 1606, Anne fonde Les Ursulines du Comté de Bourgogne. C'est un modèle d'école calqué sur les collèges jésuites. Aux Ursulines, les jeunes filles étudient la littérature, les mathématiques, les sciences. C'est une évolution considérable, qui fait d'Anne de Xainctonge une féministe avant la lettre.



Blanche ou le talent malmené par la maladie

Son père se suicide alors qu'elle est encore toute enfant. Afin de subvenir à leurs besoins, sa mère obtient la charge d'un bureau de tabac à Voiteur (Jura). Par la suite, elles s'installeront à Buxy, en Saône et Loire. Blanche en tirera son pseudonyme d'auteure.

Un talent précoce

Très tôt, Blanche manifeste des dispositions pour l'écriture. Dès 1870, elle compose des petits textes fort bien tournés. Quelques années plus tard, elle est publiée par les revues Veillées des chaumières et L'Ouvrier.

La survenue du handicap

Une mystérieuse maladie la rend progressivement aveugle. Mais Blanche continue d'écrire malgré tout. Elle devient une valeur sûre des éditions Gautier.

Les séances sont fatigantes, mais telle une bénédictine, elle s'applique à poursuivre son ouvrage. Obstinément penchée sur sa page, elle brode des histoires alambiquées sises dans un paysage jurassien merveilleusement décrit. Les héroïnes de Blanche ont des destins tragiques mais connaissent une rédemption grâce à l'amour. Ses histoires reflètent bien la pensée et les valeurs de la société catholique de la fin du XIXème siècle.


La chute

Blanche part s'installer sous le soleil de Fréjus, dans une pension de famille. En 1919, elle chute accidentellement du deuxième étage. Après trois longs jours d'agonie, elle décède. Sa mère la suivra dans la tombe quelques temps après.


Prochainement

Rendez-vous à l'Hôtel de la famille de Vurry,  pour la célébration des noces de Marguerite  et de Philibert.

Récit circonstancié en perspective...


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