jeudi 15 octobre 2020

Je lis Tu lis : les retrouvailles (2ème partie)

 Littérature fantastique, récits de vie, prix littéraire et livres plus anciens, voilà le programme.



Et d’abord, une belle découverte - le prix Inter 2020 - un récit qui est le touchant hommage d’une jeune femme à son père disparu :

Avant que j’oublie, de Anne Pauly

Il y a d'un côté le colosse unijambiste et alcoolique, et tout ce qui va avec : violence conjugale, comportement irrationnel, tragi-comédie du quotidien, un « gros déglingo » [...], un vrai punk avant l'heure. Il y a de l'autre le lecteur autodidacte de spiritualité orientale, à la sensibilité artistique empêchée, déposant chaque soir un tendre baiser sur le portrait pixellisé de feue son épouse[...].

Il y a enfin [...] la maison délabrée [qui] devient un réseau infini de signes et de souvenirs pour sa fille qui décide de trier méthodiquement ses affaires. Que disent d'un père ces recueils de haïkus, auxquels des feuilles d'érable ou de papier hygiénique font office de marque-page ? Même elle, sa fille, la narratrice, peine à déceler une cohérence dans ce chaos.

Et puis, un jour, comme venue du passé, et parlant d'outre-tombe, une lettre arrive, qui dit toute la vérité sur ce père aimé auquel, malgré la distance sociale, sa fille ressemble tant.


Marie-Danièle : C’est un livre émouvant, superbement écrit, avec un jeu sur les niveaux de langue, un sens du détail et de la nuance très beaux. Il y a des passages magnifiques, à la grâce mélancolique bouleversante. J’ai beaucoup aimé cet hommage à ce père pas facile, ce portrait lucide mais aimant. Cette histoire de famille partie à vau-l’eau, le courage des uns et des autres, les renoncements, la violence parfois, mais aussi l’incroyable tendresse de cette fille pour son père et la profonde humanité de ce récit.

Anne : Ce qui est beau, c’est que cette femme accepte de ne pas tout comprendre. C’est brut de décoffrage. Ça remue.



Lettres d’amour sans le dire, Amanda Sthers

Alice a 48 ans, c’est une femme empêchée, prisonnière d’elle-même, de ses peurs, de ses souvenir douloureux (origines modestes, native de Cambrai, séduite et abandonnée, fille-mère, chassée de chez elle, cabossée par des hommes qui l’ont toujours forcée ou ne l’ont jamais aimée). Ancienne professeur de français, elle vit dans ses rêves et dans les livres auprès de sa fille, richement mariée et qui l’a installée près d’elle, à Paris.


Tout change un beau jour lorsque, ayant fait halte dans un salon de thé, Alice est révélée à elle-même par un masseur japonais d’une délicatesse absolue qui la réconcilie avec son corps et lui fait entrevoir, soudain, la possibilité du bonheur.


Cet homme devient le centre de son existence  : elle apprend le japonais, lit les classiques nippons afin de se rapprocher de lui. Enfin, par l’imaginaire, Alice vit sa première véritable histoire d’amour. Pendant une année entière, elle revient se faire masser sans jamais lui signifier ses sentiments, persuadée par quelques signes, quelques gestes infimes qu’ils sont réciproques.


Le jour où elle maîtrise assez la langue pour lui dire enfin ce qu’elle ressent, l’homme a disparu...
D’où la lettre qu’elle lui adresse, qui lui parviendra peut-être, dans laquelle elle se raconte et avoue son amour.

Marie-Danièle : Très belle surprise que ce court roman. Un texte parfois cru et sombre mais aussi lumineux et délicat, tel l’art du kintsugi, consistant à réparer les objets avec de la poudre d’or pour souligner la patine du temps et la beauté des failles.


À Découvrir :

Kintsugi : l’art de la résilience, Céline Santini

Réparer ses blessures - apprendre la résilience - la métaphore de l'art japonais de la réparation des céramique grâce à la soudure d'or. Le kintsugi, qui signifie littéralement "jointure en or", est un art japonais ancestral qui invite à réparer un objet cassé en soulignant ses cicatrices de poudre d'or. Souvent perçu comme une forme d'art-thérapie pour accompagner la résilience, l'art du kintsugi suit un cérémonial lent et minutieux, qui requiert patience et concentration. Jour après jour, semaine après semaine, étape par étape, l'objet sera nettoyé, pansé, soigné, guéri et sublimé.

Enrichi de contes, de conseils et d'exercices pratiques, cet ouvrage vous accompagne dans votre processus de guérison, que vos blessures soient physiques ou émotionnelles, avec les différentes étapes traditionnelles de la réalisation d'un kintsugi.


Le Pays des autres, Leila Slimani

Nathalie : Une jeune femme alsacienne rencontre un Marocain. Après la guerre, ils partent s’installer au pays. Ils ont deux enfants, mènent une vie rude, marquée par l’émancipation des femmes et l’arrivée de l’Indépendance. Ce roman pose la question de la loyauté à ses origines, de ce que c’est qu’être un héros non reconnu quand on s’est battu pour la France.

J’ai beaucoup aimé ! La fin est étonnante et l’écriture très belle.

Claudine : J’ai été déçue par la fin mais je le recommande quand même.


Les choix de Mathéïs

Ode au vent d’Ouest suivi de Adonaïs et autres poèmes, de Percy B. Shelley

Virtuosité du rythme et de la syncope, richesse du langage : la voix singulière de Percy Bysshe Shelley demeure l'une des plus belles et des plus fascinantes de la poésie anglaise. Ode au vent d'Ouest et le long poème visionnaire à la mémoire de John Keats, Adonaïs, comptent parmi les œuvres les plus importantes du romantisme anglais.

Mathéïs : J’ai beaucoup aimé Frankenstein, de Mary Shelley. Ça m’a donné envie de lire ce recueil de poésie. Il a été écrit par son mari : Percy Shelley. Il faut savoir que Percy Shelley va mourir très jeune, au cours d’une traversée en mer.

Ce recueil est joli, profond. Je vous recommande le poème « La mascarade de l’anarchie »


Le Pays d’octobre, de Ray Bradbury

"Le pays d'octobre... ce pays où tout se transforme toujours en fin d'année. Ce pays où les collines sont brouillards et où les rivières sont brumes ; où les midis disparaissent rapidement, où les crépuscules et la pénombre s'attardent, où les minuits demeurent. Ce pays, essentiellement constitué de caves, de cryptes sous les caves, de coffres à charbon, de cabinets, de mansardes, de placards et de garde-manger orientés à l'opposé du soleil. Ce pays dont les habitants sont gens d'automne, aux pensées uniquement automnales, aux pas qui évoquent le bruit de la pluie quand ils arpentent les rues vides la nuit..." On retrouve dans ce recueil de nouvelles toute la poésie et la nostalgie qui ont fait la marque de Bradbury.

Mathéïs : Ce sont des nouvelles mais l’auteur les considère comme des fables. C’est de la SF poétique, avec des phrases longues très jolies. Il y a des nouvelles très touchantes, telles que « Le Nain ». « Le Jeton de poker » est une nouvelle très drôle et poignante : qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour se faire accepter par la société ?


Suite et fin demain.

Où il sera enfin question d'écrevisses, de fleurs de cimetière 

Et aussi d'un ancien prix Goncourt...

® Tous droits réservés

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire