La Présidente de la République l'a décidé : tout élève doit faire, entre sa troisième et sa seconde, une année de service civique.
Valentin n'a pas de chance : ses vœux ne sont pas respectés, et il est envoyé dans le Pas-de-Calais, dans un centre pour personnes âgées atteintes d'Alzheimer, minutieusement reconstitué pour ressembler à un village des années 60.
Sa première mission semble assez simple : écrire une lettre à une pensionnaire qui a répondu à un concours dans un Salut les Copains de 1967, pour lui annoncer que, malheureusement, Françoise Hardy ne va pas pouvoir venir chanter pour elle.
Sauf que c'est difficile d'annoncer une telle mauvaise nouvelle. Alors il annonce l'inverse. Françoise Hardy viendra !
Ce roman ressemble aux films de Jacques Demy : apparemment joyeux, pétillant, mais pas si léger que ça et certainement jamais superficiel.
Le roman s'ouvre sur une circulaire de l'Éducation nationale détaillant les modalités et enjeux du serci.
Connaissez-vous le serci ?
Il s'agit du Service Civique, un stage obligatoire d'une durée d'1 an, entre la fin de la 3ème et l'entrée en seconde. Les élèves sont censés recevoir une affectation qui prend en compte leurs centres d'intérêt ainsi que leurs aptitudes. Ils peuvent se retrouver dans n'importe quelle région de France mais ils sont pris en charge par l'État qui leur offre un hébergement. Un éducateur chapeaute chaque petite communauté (constituée d'une 1/2 douzaine de stagiaires).
Au cours de cette année un peu particulière, les élèves sont priés de rédiger un compte rendu de 30 pages environ, détaillant leurs observations et acquisitions en termes de "savoir-être" et "savoir-faire".
Valentin : un stagiaire atypique, drôle et attendrissant
Qu'il est attachant, ce Valentin multi-phobique, très arrêté sur ses points de vue et tourmenté par les effets de son hypocondrie ! Un gars mal en point dans une situation familiale qui le hérisse.
On découvre un ado replié sur lui-même, qui ne regarde pas vraiment les personnes autour de lui, qui a de grosses difficultés avec les interactions sociales, qui est très ritualisé.
On se doute que ça va être "compliqué" pour lui, ce fameux serci !
L'Unité Mnémosyne : un EHPAD qui fait comme si...
Valentin est affecté à l'Unité Mnémosyne des Hauts-de-France, à Boulogne-sur-Mer, fort loin d'Albi et de son Occitanie natale. Il s'agit d'un Ehpad pour personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Les résidents se voient offrir un cadre de vie qui reproduit à l'identique celui de leur jeunesse.
Un rapport de stage circonstancié
Valentin va "s'approprier" son serci – c'est le moins que l'on puisse dire : au lieu de la trentaine de pages attendues, il rend un document de 378 pages (il a un peu "dépassé"- précise-t-il, très ingénu).
Prenant au mot les instructions bureaucratiques de la circulaire, il va "se développer en développant des compétences de tous ordres". Alors il raconte, avec de moins en moins de naïveté et de plus en plus de vocabulaire.
Une expérience originale
Compte tenu de la personnalité carrée et introvertie du jeune homme, de ses multiples angoisses, attaques de panique et de sa peur des "personnalités non conventionnelles", on se dit que cette histoire a déjà un gros potentiel. On se doute que Valentin va évoluer, que les situations, les péripéties vont entraîner de sacrés changements.
Il va découvrir Françoise Hardy, les années 60-70, les robes Courrèges, les films de Jacques Demy : toute une époque nettement plus colorée et joyeuse – du moins pour ce que l'Unité Mnémosyne choisit d'en montrer.
En attendant Françoise Hardy
Valentin va se lier profondément avec sa tutrice,
le Dr Sola.
Il va apprendre à jouer de la guitare.
Il va se travestir,
s'exposer,
se mettre à chanter
et à enchanter le quotidien de ses colocs
tout comme celui des pensionnaires de Mnémosyne.
Il va découvrir le travail d'écriture,
la nécessité d'être capable de nommer,
de décrire,
de faire des choix narratifs.
Avide de beauté, de fidélité, de confiance, de stabilité et d'engagement,
il va se former en s'appuyant :
sur sa découverte de la Françoise Hardy des années 60 (Elle sera sa muse et son maître de vie)
sur la mémoire d'une époque disparue (merci YouTube et l'INA),
sur de vieilles personnes en fin de vie, à la mémoire incertaine
sur des décors : tout un monde factice censé apaiser les résidents.
Mais à la fin de cette histoire,
Valentin aura appris à faire la part des choses et des situations
et à tenir compte de la complexité des relations humaines.
Une belle sortie de chrysalide.
"Souvenirs, souvenirs"
Mais non ! Ce n'est pas un livre passéiste ! Non ce n'était pas forcément "mieux avant". Et Clémentine Beauvais aborde des thèmes très contemporains : les questions de genre, les familles recomposées, l'importance des réseaux sociaux, la société des apparences et des normes.
"C'est extra"
Âge tendre est un roman tout à la fois solaire et grave, subtile et tendre, beau et triste. Comme une chanson de Françoise Hardy.
C'est un roman addictif, pétillant, malicieux, intelligent, drôle. Comme un roman de Clémentine Beauvais.
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