C'est un sujet brûlant. Un objet rare, précieux. Certains parmi vous ont peut-être ressorti fil, aiguille et tissu pour en coudre une version artisanale. Et si on allait voir de plus près cet objet devenu indispensable ?
Le Masque
L'association
«masque»/«sorcière» (ou «spectre, démon»), avec la notions de
«noir», tient à sa fonction dans l'imaginaire populaire : faire
peur.
Pourquoi maskara ?
Parce que les plus anciens déguisements consistaient à simplement
se noircir le visage et parfois le corps.
Protecteur, festif
ou esthétique, le masque est un visage artificiel. Un objet qui
recouvre le visage. Il peut prendre la forme d'un moule en
argile, terre, bois, carton, plastique, etc. Ou celle d'un article confectionné en tissu (soie, coton,satin, velours, etc.).
Le visage, parce
qu'il est singulier, permet la reconnaissance visuelle. Le masquer,
c'est donc altérer – quelles qu'en soient les raisons – sa
visibilité. Ça
a engendré une connotation péjorative : se masquer, ce
serait tricher, mentir. Afficher une apparence trompeuse pour
leurrer.
Ainsi la persona, à l'origine un masque de théâtre symbolisant une personne fictive stéréotypée, devient, en psychologie analytique, et sous l'égide de Carl Jung, un terme désignant un faux-soi, une personnalité d'emprunt.
Lever le masque, selon l'expression, ce serait révéler son "vrai visage", sa "vraie nature", sa "vérité nue".
Les fonctions du
masque :
- protéger contre certains risques : les piqûres d'abeille (masque de l'apiculteur), les coups d'épée (masque d'escrime), les germes (le personnel hospitalier), les substances toxiques potentiellement mortelles (le masque à gaz), l'asphyxie (le masque à oxygène et masque de plongée) – pour ces trois derniers, il y a plus spécifiquement la préservation d'une fonction vitale – la respiration.
- endormir : le masque anesthésiant, pour contrôler/endormir la douleur (et le patient)
- dissimuler son identité : la cagoule des agents du GIGN ou du RAID qui a une fonction masquante, de même que celles des malfrats, à l'autre extrémité de l'échelle des valeurs.
- anonymiser : par ex. les Anonymous, avec leur masque à l'effigie de Guy Fawlkes.
- tromper : afficher un masque trompeur.
- jouer sur les apparences/esthétiser : la mode, le théâtre. Ex : le loup des aristocrates du XVIIIème siècle destiné à protéger la blancheur de peau des Dames lorsqu'elles sortaient.
- préserver l'image "vivante" de la personne décédée: les masques funéraires ou mortuaires. Cas paradoxal du masque qui fige la "vérité" d'un visage, de ses traits.
Symboliser : comme dans le théâtre antique, le théâtre japonais, classique. Ex : La Persona (per – sonare = parler à travers) : masque de théâtre de la Rome antique. Les 138 masques de caractérisation du théâtre No. Les masques archétypaux de la Commedia dell'arte. En mettant un masque, l'acteur endosse la personnalité fictive qu'il doit incarner.- Exorciser : les "masques de maladie", originaires d'Afrique. Leur puissance symbolique sert à lutter contre la peur devant certains fléaux.
- Inquiéter : jouer sur la paranoïa... Qui se cache derrière le masque ? Dans quel but ?
- symboliser (la défense des libertés numériques essentiellement)
- dissimuler (leur
identité)
- susciter de
l'inquiétude (en arborant le même masque au large sourire vaguement
menaçant)
Quelques masques dans le paysage culturel :
Le Vengeur Masqué
: petite maison d'édition toulousaine spécialisée en littérature
jeunesse.
Les Éditions du
masque : éditeur de toute l'oeuvre d'Agatha Christie. Spécialisé
dans le roman policier.
"Le Masque", nouvelle d'Anton Tchekhov, parue en 1884
"Le Masque", nouvelle de Maupassant, parue en 1889
Le Masque et
la Plume : émission radiophonique créée en 1955, sur
France Inter.
Le Masque de fer
: mystérieux prisonnier d'État du règne de Louis XIV a beaucoup
inspiré littérature et cinéma.
Fantômette: série
de cinquante-deux romans pour la jeunesse créée par Georges Chaulet
et publiée en France de 1961 à 2011 aux éditions Hachette dans
la célébrissime collection Bibliothèque rose.
Et l'inévitable Z
... qui veut dire Zorro ♫Le |
De lecteur à lecteurs
Message de Pierre :
Premier billet : l’origine du
mot
" Ô masques, tant attendus, tant
espérés,
Objets inanimés, avez-vous
donc une âme
qui s’attache à notre âme,
et la force " de nous sauver ?
Puissiez-vous, innombrables cohortes,
Bouter hors des frontières
Cet Attila moderne qui nous vient des
confins de l‘Orient !"
Plus prosaïquement ! Que peut-on savoir sur l’origine de masque ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il joue à cache- cache avec nous ou qu’il veut se protéger !
Dès l’origine de ce
mot, celui-ci est frappé d’une maladie bien connue des
linguistes : la polysémie.
1) Quand on consulte un
dictionnaire, il est dit que ce mot est emprunté à l’italien
maschera « faux visage » , provenant d’un radical bas
latin ou préroman « maska » « noir ». Le
radical est à l’origine de deux groupes de mots : un type
«masca» signifiant «masque» en latin
tardif mais surtout «sorcière, spectre, démon»,
bien représenté en latin médiéval, en Angleterre, en Italie ainsi
qu’en provençal
(mascoto : envoûtement , sortilège, ensorcellement au jeu qui a donné « mascotte ».)
(mascoto : envoûtement , sortilège, ensorcellement au jeu qui a donné « mascotte ».)
Molière, dans Le Malade
imaginaire, emploie masque dans le sens de sorcière mais atténué : «femme effrontée». « Ah ! Ah !,
petit masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme…».
De même Gérard de
Nerval, dans La Reine des poissons : « Tais-toi,
petit masque ! dit Tord-Chêne…Je te connais bien…Tu es la
reine des poissons »
Tous ces mots attestent
l’étroite association entre l’idée de noirceur et celle de
sorcellerie. « Maska est aussi à l’origine d’un type
élargi « maskara », très répandu chez les ibères, les
catalans ( mascara : tâche noire, salissure). L’’évolution
du sens en italien s’explique par le fait que les plus anciens
déguisements consistaient à se noircir le visage et parfois le
corps, d’où plus tard le mot mascarade c’est-à-dire travesti.
2) Une autre hypothèse
est tout aussi séduisante et peut-être plus cohérente : celle
d’une origine arabe. En effet il existe une racine qui signifie «
rendre ridicule, se moquer ». Et qui a produit les noms maskh
et maskhara ; le sens va de « comédie à déguisement à
métamorphose », ce qui conduit plus facilement aux masques de
carnaval que les sorciers barbouillés de noir. Enfin l’influence
arabe explique mieux la forte cohérence entre masque et mascarade.
Je dirais pour conclure
qu’il a pu y avoir, dans l’usage de ce mot, interférence de ces
deux racines, l’une italienne issue du bas latin et l’autre de
l’arabe.
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