lundi 6 avril 2020

Confinement : jour 21


Ce thème a inspiré Pierre, qui vous en parlera dans la rubrique De lecteur à lecteurs
C'est un sujet brûlant. Un objet rare, précieux. Certains parmi vous ont peut-être ressorti fil, aiguille et tissu pour en coudre une version artisanale. Et si on allait voir de plus près cet objet devenu indispensable ? 

Le Masque


De l'italien "maschera". Maskara (mascara) désignant une tache noire, une salissure.

L'association «masque»/«sorcière» (ou «spectre, démon»), avec la notions de «noir», tient à sa fonction dans l'imaginaire populaire : faire peur.

Pourquoi maskara ? Parce que les plus anciens déguisements consistaient à simplement se noircir le visage et parfois le corps.



Protecteur, festif ou esthétique, le masque est un visage artificiel. Un objet qui recouvre le visage. Il peut prendre la forme d'un moule en argile, terre, bois, carton, plastique, etc. Ou celle d'un article confectionné en tissu (soie, coton,satin, velours, etc.).


Le visage, parce qu'il est singulier, permet la reconnaissance visuelle. Le masquer, c'est donc altérer – quelles qu'en soient les raisons – sa visibilité. Ça a engendré une connotation péjorative : se masquer, ce serait tricher, mentir. Afficher une apparence trompeuse pour leurrer.


Ainsi la persona, à l'origine un masque de théâtre symbolisant une personne fictive stéréotypée, devient, en psychologie analytique, et sous l'égide de Carl Jung, un terme désignant un faux-soi, une personnalité d'emprunt.

Lever le masque, selon l'expression, ce serait révéler son "vrai visage", sa "vraie nature", sa "vérité nue".


                           
   Les fonctions du masque :
  • protéger contre certains risques : les piqûres d'abeille (masque de l'apiculteur), les coups d'épée (masque d'escrime), les germes (le personnel hospitalier), les substances toxiques potentiellement mortelles (le masque à gaz), l'asphyxie (le masque à oxygène et masque de plongée)  – pour ces trois derniers, il y a plus spécifiquement la préservation d'une fonction vitale – la respiration.
                                    
  • endormir : le masque anesthésiant, pour contrôler/endormir la douleur (et le patient)
  • dissimuler son identité : la cagoule des agents du GIGN ou du RAID qui a une fonction masquante, de même que celles des malfrats, à l'autre extrémité de l'échelle des valeurs.
  • anonymiser : par ex. les Anonymous, avec leur masque à l'effigie de Guy Fawlkes.
  • tromper : afficher un masque trompeur.
  • jouer sur les apparences/esthétiser : la mode, le théâtre. Ex : le loup des aristocrates du XVIIIème siècle destiné à protéger la blancheur de peau des Dames lorsqu'elles sortaient.
  • préserver l'image "vivante" de la personne décédée: les masques funéraires ou mortuaires. Cas paradoxal du masque qui fige la "vérité" d'un visage, de ses traits.


  • Symboliser : comme dans le théâtre antique, le théâtre japonais, classique. Ex :  La Persona (per – sonare = parler à travers) : masque de théâtre de la Rome antique. Les 138 masques de caractérisation du théâtre No. Les masques archétypaux de la Commedia dell'arte. En mettant un masque, l'acteur endosse la personnalité fictive qu'il doit incarner.                                                                   
  • Exorciser : les "masques de maladie", originaires d'Afrique. Leur puissance symbolique sert à lutter contre la peur devant certains fléaux.
  • Inquiéter : jouer sur la paranoïa... Qui se cache derrière le masque ? Dans quel but ?

Parfois, ces fonctions se cumulent.
Ex : les Anonymous = 
- symboliser (la défense des libertés numériques essentiellement)

- dissimuler (leur identité)

- susciter de l'inquiétude (en arborant le même masque au large sourire vaguement menaçant) 


Quelques masques dans le paysage culturel :

Le Vengeur Masqué : petite maison d'édition toulousaine spécialisée en littérature jeunesse.

Les Éditions du masque : éditeur de toute l'oeuvre d'Agatha Christie. Spécialisé dans le roman policier.

"Le Masque", nouvelle d'Anton Tchekhov, parue en 1884

"Le Masque", nouvelle de Maupassant, parue en 1889

Le Masque et la Plume : émission radiophonique créée en 1955, sur France Inter.

Le Masque de fer : mystérieux prisonnier d'État du règne de Louis XIV a beaucoup inspiré littérature et cinéma.

Dark Vador : avec son masque noir, reflet de son âme noire. Masque aux multiples pouvoirs destinés à renforcer "le côté obscure de la force"


Fantômette: série de cinquante-deux romans pour la jeunesse créée par Georges Chaulet et publiée en France de 1961 à 2011 aux éditions Hachette dans la célébrissime collection Bibliothèque rose.



Et l'inévitable Z
... qui veut dire Zorro ♫Le


De lecteur à lecteurs 


Message de Pierre :                                                                                      
Premier billet : l’origine du mot
" Ô masques, tant attendus, tant espérés,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
qui s’attache à notre âme,
et la force " de nous sauver ?
Puissiez-vous, innombrables cohortes,
Bouter hors des frontières
          Cet Attila moderne qui nous vient des confins de l‘Orient !




Plus prosaïquement ! Que peut-on savoir sur l’origine de masque ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il joue à cache- cache avec nous ou qu’il veut se protéger !

Dès l’origine de ce mot, celui-ci est frappé d’une maladie bien connue des linguistes : la polysémie.

1) Quand on consulte un dictionnaire, il est dit que ce mot est emprunté à l’italien maschera « faux visage » , provenant d’un radical bas latin ou préroman « maska » « noir ». Le radical est à l’origine de deux groupes de mots : un type «masca» signifiant «masque» en latin tardif mais surtout «sorcière, spectre, démon», bien représenté en latin médiéval, en Angleterre, en Italie ainsi qu’en provençal
(mascoto : envoûtement , sortilège, ensorcellement au jeu qui a donné « mascotte ».)

Molière, dans Le Malade imaginaire, emploie masque dans le sens de sorcière mais atténué : «femme effrontée». « Ah ! Ah !, petit masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme…».

De même Gérard de Nerval, dans La Reine des poissons : « Tais-toi, petit masque ! dit Tord-Chêne…Je te connais bien…Tu es la reine des poissons »


Tous ces mots attestent l’étroite association entre l’idée de noirceur et celle de sorcellerie. « Maska est aussi à l’origine d’un type élargi « maskara », très répandu chez les ibères, les catalans ( mascara : tâche noire, salissure). L’’évolution du sens en italien s’explique par le fait que les plus anciens déguisements consistaient à se noircir le visage et parfois le corps, d’où plus tard le mot mascarade c’est-à-dire travesti.

2) Une autre hypothèse est tout aussi séduisante et peut-être plus cohérente : celle d’une origine arabe. En effet il existe une racine qui signifie « rendre ridicule, se moquer ». Et qui a produit les noms maskh et maskhara ; le sens va de « comédie à déguisement à métamorphose », ce qui conduit plus facilement aux masques de carnaval que les sorciers barbouillés de noir. Enfin l’influence arabe explique mieux la forte cohérence entre masque et mascarade. 
Je dirais pour conclure qu’il a pu y avoir, dans l’usage de ce mot, interférence de ces deux racines, l’une italienne issue du bas latin et l’autre de l’arabe.

N.B. Le deuxième billet traitera des différents sens de masque aujourd’hui.
® Tous droits réservés

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire