Le
Masque
J’écris toujours avec un masque sur le visage;
Oui, un masque à l’ancienne mode de Venise,
Long, au front déprimé,
Pareil à un grand mufle de satin blanc.
Assis à ma table et relevant la tête,
Je me contemple dans le miroir, en face
Et tourné de trois quarts, je m’y vois
Ce profil enfantin et bestial que j’aime.
Oh, qu’un lecteur, mon frère, à qui je parle
À travers ce masque pâle et brillant,
Y vienne déposer un baiser lourd et lent
Sur ce front déprimé et cette joue si pâle,
Afin d’appuyer plus fortement sur ma figure
Cette autre figure creuse et parfumée.
Valéry
Larbaud
De lecteur à lecteurs
Le billet de Pierre :
Comme
je le disais dans mon premier billet sur le masque, celui-ci joue à
cache-cache avec nous ; selon son utilisation, il prend des
formes et des sens différents.
Sa
première fonction est de cacher, de dissimuler. Il peut alors avoir
une forme minimale et dissimuler uniquement le regard. Pensons à
Zorro, aux bals masqués où les participants peuvent ne porter qu’un
loup et jouer à cache-cache entre eux.
Vous
avez aussi le masque qui couvre le bas du visage : les bandits
masqués dans les westerns.
Quand
la tête entière est recouverte, on emploiera plutôt le mot
cagoule. (Les cagoulards).
Une
autre fonction importante dans les jeux de rôle, comme dans les
carnavals, au théâtre grec dans la comédia del arte, le no
japonais, c’est la métamorphose où l’on fait plus que
dissimuler mais transformer.
Et
puis il y a ces masques qui au lieu de cacher veulent au contraire
garder l’empreinte d’un visage comme le masque mortuaire et même
donner une apparence embellie au visage du défunt comme le masque
funéraire.
Enfin,
à la jonction du sens de cacher et de protéger, le masque qui
révèle un état : masque de grossesse ou qui entretient, qui
soigne un visage : le masque de beauté.
Avec
ce dernier masque nous arrivons au deuxième sens du mot : la
protection. D’ailleurs, avouons-le, c’est bien le sens qui nous
vient en premier à l’esprit dans la situation actuelle. Et là
aussi la forme du masque va différer selon l’usage spécifique que
l’on en fait.
Protection
dans le domaine médical (masque de chirurgie, d’anesthésie,
masque à oxygène etc.), dans d’autres activités humaines, masque
de plongée par exemple, dans l’industrie et l’artisanat masque
protégeant contre les agressions extérieures comme les émanations
de gaz, de poussières (masque à gaz, masque de soudeur, masque de
fondeur etc.).
Et
justement à propos d’agression, le mot masque est utilisé aussi
d’une façon spécifique et ne concernant pas le visage. Il peut
désigner un abri sur une côte protégeant les navires de la pluie,
du soleil et un abri militaire artificiel ou naturel qui protège du
tir ennemi.
J’ai
gardé pour la fin une spécialisation essentielle du mot concernant
l’objet porté sur la tête et qui couvre ou non le visage, je veux
parler des masques dans les civilisations africaines et océaniennes
qui ont un fort pouvoir, rituel, symbolique et religieux.
Pour plus de compléments, je
vous renvoie à l'article du 6 avril fait par Marie-Danièle.
En
conclusion, dans notre situation de confinement,
fi des fausses
apparences,
« bas les masques »,
soyons francs avec
nous-mêmes,
soyons fraternels et solidaires,
bref,
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